Bonjour à toutes et à tous
Le Wadi Quelt est une randonnée qui relie Jérusalem à Jéricho.
Préambule
Un wadi et un cours d’eau à sec une partie de l’année. Le Wadi Quelt trace une gorge profonde dans le désert de Judée. Un sentier plus ou moins commode le borde pour rejoindre Jericho. C’est l’itinéraire de l’antiquité. Le Jésus de l’Histoire l’a certainement arpenté.
C’est un itinéraire renommé pour sa beauté et sa nature sauvage.
Pour tous ces motifs je souaitais faire cette randonnée. J’ai beaucoup essayé de la préparer par internet avant mon départ. Mais il me fut très difficile d’obternir des informations précises, comme par exemple, le point de départ, le temps de randonnée, le tracé GPS…
J’ai maintenant le tracé GPS que j’ai enregistré au cours de ma progression. Et je sais :
- que l’itinéraire fait 19 km
- avec 82 m de montée,
- et 601 m de descente, mon altitude de départ est à 310 m et mon altitude d’arrivée à Jéricho à -229 m,
- et que j’ai marché 7h38 avec un seul arrêt au 4/5 environ au Monastère St George,
- à un rythme moyen de 3,1 km/h.
En fait la distance dépend du point de départ, c’est ballot.
Oui mais malgré mes recherches sur internet et mes questions à ceux qui ont fait l’itinéraire et que j’ai pu rencontrer à mon hébergement à Jérusalem :
- notamment un groupe Allemand. Ils l’ont fait en 2 jours dans le sens Jéricho – Jérusalem : c’est à dire en montant,
- un employé de l’hébergement légèrement handicapé, qui l’a fait il y a deux ans en 5h00 !
D’évidence, s’ils ont un moment emprunté le même sentier, ils ne sont pas parti du même endroit.
De plus, précédemment j’ai intérrogé la fille de la famille qui m’avait offert le petit déjeuner – pour ceux qui suivent … -. Elle a interrogé un guide : elle m’a indiqué en retour un itinéraire de 30 km à faire en 2 jours. Ouaouhhh !!!
Enfin j’ai pu interrogder un guide à mon hébergement à Jéruslem, qui m’a dit ne l’avoir jamais fait en entier, et ne m’a donné aucune indication précise pour le point de départ.
En fait cette indication est fondamentale : elle conditionne la distance mais aussi c’est une indication à donner au taxi qui vous emmènera de Jérusalem à ce point de départ.
En fait le Wadi Quelt est un canyon que l’on peut rejoindre en voiture à plusieurs endroits en quittant à gauche la route principale qui relie Jérusalem à Jéricho.
C’est pour cela que certaines sections du sentier sont très fréquentées par les familles palestiniennes et que d’autres sont quasiment désertes.
Vous comprendrez que compte tenu de tous ces éléments contradictoires et cette difficulté d’obtenir des informations fiables et concordantes, j’ai beaucoup hésité à me lancer dans cette aventure. J’ai beaucoup psychoté sur la décision à prendre tout au long des mes 7 jours à Jérusalem. En plus cela conditionnait la suite de mon voyage et les réservations d’hôtel à mettre en place.
En fait j’ai fait confiance et j’ai décidé de faire la randonnée. Au besoin de bivouaquer en route.
Ce soir du 13 avril je suis très heureux j’ai atteint Jéricho à pied par le Wadi Quelt. Je suis très fatigué. J’ai mal aux jambes. Mais je crois avoir réalisé ce que peu ont fait.
Maintenant je sais qu’il y a 4 points de départ que l’on peut rejoindre en voiture, du point le plus en amont, c’est à dire le plus près de Jérusalem, au point le plus en aval près de Jéricho. Ces points départ sont :
- Ein Fara / Ein Prat,
- Wadi Quelt,
- Ein Mabua,
- Le Monastère St George.
Toutes ces difficultés proviennent que le début de l’itinaire se déroule sur un territoire d’implantation Israélien et que la suite est en territoire Palestinien (Cisjordanie). En fait le point de départ Ein Fara est le nom palestinien de Ein Prat. Les Israéliens en ont fait une colonie et ont mis en place un Parc National qu’ils ont nommés Ein Prat. Je voulais partir de ce point et je ne connaissais que Ein Prat. Déjà c’est une difficulté avec mon chauffeur de taxi qui a téléphoné à un cousin pour savoir. Et le cousin lui a dit que Ein Prat est Ein Fara pour les Palestiniens.
Je voulais partir du point le plus en amont pour parcourir le Wadi Quelt sur toute sa longueur. J’envisageais une marche sereine et sprirituelle. Il n’en fut rien. Ce fut plutôt une course contre la montre du genre baroud.
Il y eut toute fois des moments de grande plénitude (dans la solitude et dans l’innocence du départ) et des rencontres difficiles, d’autres trompeuses, d’autres enfin amicales, chaleureuses, hospitalières.
Il faut toutefois noter que l’itinéraire est bien balisé, bien que je me sois perdu une fois.
Et voilà le récit de cette aventure.
Il est 7h30 du matin. Le taxi m’attend à la sortie de l’Ecce Homo, mon hébergement à Jérusalem. On discute pour se mettre d’accord sur la destination. Il est palestinien. Finalement on arrive à l’entrée du Parc National. Il 7h45. Le Parc n’ouvre qu’à 8 h. Je paie 30 Shekels, on me donne un prospectus en Hébreu -très utile pour moi- et la gardienne m’indique une information importante : suivre le balisage bleu. En fait le balisage sera d’abord bleu, puis rouge, puis vert, puis rouge à nouveau. Une fois franchi l’entrée, le taxi descend une route escarpé pour rejoindre le Wadi. Je le quitte.
Là se trouve un bureau du Parc. J’interroge un gardien du Parc pour lui indiquer mon objectif : Jéricho. Il me déclare qu’il y a 30 km et que cela ne peut se faire en 1 journée. Je tombe à la renverse. Finalement il interroge un collègue qui lui dit : il n’y a que 20 km, cela peut se faire en une journée. Je veux surtout savoir où se trouve le point de départ du sentier. Mais ce crétin, et sachant que je vais à Jéricho, commence à me faire le guide touristique : … en remontant un peu en amont il y a une monastère en activité … en aval il y a une belle piscine naturelle… Pourtant ma question est précise : où se trouve le point de départ du sentier ? A son actif, il me trouve un prospectus en Anglais. Finalement je crois comprendre un peu dans ses explications fumeuses, j’abandonne, je sort du bureau et je pars. Dehors je rencontre un cycliste qui visiblement comprend mon désarroi. Il m’accompagne au départ du sentier. Une première rencontre hospitalière.
Il est 8h30.
Me voilà parti à vive allure. Dans ma tête je calcule : à 5 km/h j’y serai dans 4h, à 4 km/h j’y serai dans 5 h … et j’essai de rester calme.
J’en appelle à la confiance.
Je suis le balisage bleu.Cette première section est complètement déserte. Le sentier est bon. Je retrouve une certaine sérénité.
Je dépasse le point de départ Wadi Quelt. Peu avant d’arriver à Ein Mabua, je rencontre 4 Isréliens qui se baignent dans le Wadi. Ca sent bon le café. Ca me fait envie. C’est le barbu à droite qui le prépare. Il m’en propose. Je pose mon sac, je m’assois, et tout en dégustant le café, on discute. Je dis que je vais à Jéricho. Ils me répondent que j’ai de la chance : comme Israélien cela leur est interdit d’aller en Cisjordanie. Et donc de rejoindre Jéricho.
Il est 11h40 cela fait 3h10 que je marche j’arrive à Ein Mabua. Le balisage sera rouge.
C’est un point de départ mais c’est aussi un endroit où les Palestiniens viennent se baigner en famille. Il y a beaucoup de monde.
Je demande au gardien combien de temps pour le Monastère St George :
– 3 à 4h.
J’y arriverai à 14h30
Les Palestiniens descendent beaucoup le wadi.
Étonnamment les familles aussi.
Je continue sur les balises rouges.
Entre temps je rencontre un randonneur : facilement reconnaissable. Il ne porte pas des tongues, porte un chapeau comme le mien et un sac à dos. Je pense qu’il connaît l’itinéraire.Je lui demande :
-à combien de temps le Monastère St Georges ?
– cela dépend comme vous marchez,
– et pour vous, à combien de temps ?
-1/2 heure
– bon pour mois ce sera 1h.
1 h c’est court. Je suis content.
C’est un crétin, il faut bien 3h.
Plus loin je rencontre un groupe de jeunes palestiniens qui m’offre un verre de jus d’orange chimique. Nonobstant Je l’accepte avec plaisir. Ce sera toujours de l’énergie immédiatement assimilable.
Et là va se dérouler les moments les plus difficiles de la journée.
En fait comme un imbécile je suis « le crétin » et les nombreux jeunes palestiniens qui descendent le Wadi. Et je perds le balisage rouge qui passe plus haut à gauche dans les escarpements du Wadi. En fait ils empruntent le fond du Wadi beaucoup plus difficile à arpenter. Comme au fond d’un canyon, il y faut franchir des gros blocs, des passages difficiles et étroits. Avec mon sac de 15 kg c’est très pénible. Et je suis entouré de nombreux jeunes qui ne cessent de m’interpeller, certains amicaux, d’autres inamicaux. Le volume sonore est très élevé. Un moment un ressaut étroit se présente. Curieusement nombreux sont ceux qui remontent le Wadi. De fait il y a embouteillage entre ceux qui descendent et ceux qui remontent. Je tente de passer. Un jeune palestinien plutôt agressif m’en empêche. Il fait « la circulation ». Je tente encore, rien à faire. Je suis coincé dans cet endroit. Pour ne pas envenimer la situation les plus sage est d’attendre. Je suis vraiment pas bien, entouré de tout ces jeunes trop bruyants. Certains touchent mon sac à dos. Je n’aime pas ça.
La situation se débloque. Et comme j’ai perdu le chemin il va falloir marcher dans l’eau. Sans enlever chaussure je franchis la distance.
Puis je retrouve le chemin et le balisage rouge. Il est bordé d’un canal d’irrigation. La progression est beaucoup plus facile. Dans cette section je rencontre à nouveau les 4 Israéliens du café de ce matin :
– combien de temps jusqu’au Monastère St George ?
– 1h, 1h1/2
– …
Que c’est long. Je commence à être vraiment fatigué. Mais les paysage sont magnifiques.
Le balisage devient vert..
Et voilà La Croix de l’autre côté du Wadi qui indique la présence du Monastère St George.
Et puis La Croix sur le chemin.
Je rencontre un jeune couple palestinien. Il me disent encore que j’ai de la chance de pouvoir aller jusqu’à Jéricho.
La même croix avec le pèlerin
Et enfin Le Monastère !
Je suis tellement fatigué que je n’ai pas le courage d’aller le visiter. De toute façon le portail est fermé.
Il est 14h30. 3h de marche depuis Ein Mabua comme me l’avait annoncé le gardien.
A quelques pas en deçà de l’entrée, un petit parc offre son ombrage. Je m’y installe. La jeune fille du couple Israélien m’indique qu’en rejoignant la route principale en haut du Wadi, je pourrais trouver un taxi qui m’emmènera jusqu’à Jéricho. J’envisage sérieusement cette option. Il faudrait que je m’alimente. Mais j’ai du mal à avaler une datte et le peu de pain que j’ai emmené de Jérusalem.
Je m’allonge sur le parapet de pierre de ce coin de paradis.
A ce moment là je suis désespéré.
Survient un marcheur d’un groupe que j’ai dépassé précédemment sur le chemin.
Je lui demande si son groupe va à Jéricho. Il me dit que oui. Il me propose de me joindre à eux.
La confiance : au moment où vos forces physiques et morales vous abandonnent, la providence envoie une chance à saisir.
Et je la saisis avec joie. Je vais pouvoir atteindre Jéricho à pieds. Et me voilà parti avec eux, il sont 4. Mais en cours de chemin je réalise qu’il sont beaucoup plus nombreux. En fait ils sont 19. Pour l’heure je chemine avec 4 d’ente-eux. Ils m’offrent des moitiés de mandarine.
Je suis heureux.
Il est 15h. Jéricho est à 1h. Le chemin est facile.
Le balisage est rouge.
En chemin, on s’arrête à l’endroit supposé de l’une des tentations de Jésus au désert pendant ses 40 jours de jeûne.
Wikipedia : La scène se situe juste après son baptème. Le Diable tente Jésus. Trois suggestions lui sont faites : transformer des pierres en pain, pour calmer sa faim ; se jeter du sommet du Temple de Jérusalem (pour voir si Dieu le protège et retient sa chute) – ici c’est du haut de ce rocher au dessus du gouffre du Wadi – ; s’incliner et se prosterner devant le Diable pour obtenir le pouvoir sur tous les royaumes du monde. Jésus refuse à chaque fois en citant un passage du livre du Dutéronome. Le Diable le quitte alors et des anges viennent le servir.
A ma gauche le chef du groupe, à ma droite celui avec qui je discute sur les Écritures. C’est celui qui boit et celui qui m’a proposé de me joindre à eux. Mais avant de le faire j’ai bien sûr demandé au chef de groupe s’il l’acceptait. Bienvenue, m’a-t-il répondu en arabe.
Je n’oublierais jamais cette solidarité chaleureuse. A ce moment là elle m’a été indispensable.
Nous discutons des Écritures. Mes compagnons de route sont des musulmans très religieux. Pour eux Jésus est un prophète très important. Comme les Chrétiens, les Musulmans attendent son retour à la fin des temps.
Dans ce pays chargé de spiritualité, les hommes habités par la foi ne sont jamais très loin.
Au fond Jéricho
L’arrivée à Jéricho est splendide. J’aurais aimé être plus en forme pour mieux en profiter.
Il est 16h.
Cela fait 7h30 que je suis en route.
Une camionnette attends mes compagnons de route au bout du chemin. Ils me proposent de m’emmener au centre de Jéricho. Bien sûr j’accepte. Arrivé le chef du groupe me donne son n° de tel au cas où …
Je les quitte.
Me voilà de plein pied dans un pays arabes.
Je prends un taxi pour rejoindre mon hôtel.
C’est un établissement modeste dans un quartier de Jéricho qui fut un camp de réfugiés palestiniens.
Mes quartiers à Jéricho
Ma rue
Mon restaurant
Mon hôtel
Le salon wifi d’où j’écris.
Ma chambre – La salle de bain est commune à l’étage.
A bientôt
Michel
Ps : les connections internets sont faibles, tenir le blog est compliqué.
Bonjour j ai refait la descente du wadi grace à toi… cela m a fait voyager 25 ans en arriere et remémorer une arrivee tres mouvementée à l époque sur jerricho qui etait encore occupée par les soldats. Bonne route le pont du joudain est tout proche comme la mer morte ! Profites en bien
Bonsoir Michel, enfin je peux accéder au réseau, et parcourir tes récits, merci infiniement de nous faire partager tous ces événements, ces lieux, ces paysages et ton périple au quotidien. Affectueusement
Magnifique tes photos…c’est vraiment un voyage Extra-ordinaire qui donne envie d’y aller!
Plein de forces!!
Emmanuelle
encore une belle journée éprouvante mais que de beaux paysages t’es dur avec les crétins lol c’est du bonheur pour toi de rencontrer des gensqui t’aident ça doit faire un bien fou on n’et jamais tout seul quelque soit l’endroit michele
Quel pugnacité ! Bravo, soyez prudent et reposez-vous.
Amicalement
Quel périple et quel courage , tes récits sont superbes et nous voyageons avec toi .
Que la force soit avec toi.
Belle aventure Michel. Ce qui me sidère en lisant ces lignes, c’est les réflexions de ces quelques personnes qui te disent « Vous avez de la chance de pouvoir aller à Jéricho ! ». Nous avons de la chance d’habiter où nous sommes. Ici on peut aller où en veut sans demander rien à personne (ou presque). Dans certaines régions du monde, c’est compliquer de faire des choses simples. Et tout cela pourquoi ?
J’admire ton courage et ta ténacité. A bientôt.
Eric.
La je te tire mon chapeau ! Soit tu as une foi au delà de l’imagination soit t’es barge ! Suivant tes rencontres, bonnes ou mauvaises, je constate qu’il y avait que toi qui étais seul….
Pense a te reposer et te restaurer avant de continuer
Bisous
La Co
Bonjour Michel,
Quelle aventure cette randonnée !! Tu doit être content de l’avoir fait même si j’imagine qu’a la fin tu souhaitais surtout te ravitailler et te reposer.
Je te souhaite donc une bonne récupération. Profite bien de Jericho et de recharger les batteries 😉
Bonne continuation
À bientôt
Christelle
C’est magnifique
Quelle belle épopée et quelle détermination. Une fois de plus bravo Michel.
À très bientôt et reste confiant et prudent